C'est à Marie Harel, modeste fermière d'un village du Pays d'Auge, que l'on doit le camembert, à la fin du 18ème. Il faut remettre les choses à leur place cela dit : non, Marie n'a pas inventé le fromage normand. Dès 1680, en effet, les archives de Camembert, nom du village, y font référence. Et en 1708, Thomas Corneille lui consacre un article dans son dictionnaire.
Il n'en demeure pas moins que, pendant la Révolution française, Marie Harel recueille un prêtre réfractaire, originaire de Brie. Reconnaissant de l'hospitalité témoignée, celui-ci lui transmet le secret de fabrication du fromage de sa région. Tradition normande et briarde se sont donc mêlées et ont donné naissance au camembert.
Trois étapes importantes ont fait du camembert ce qu'il est aujourd'hui. Tout d'abord, l'apparition du chemin de fer, vers 1850, lui a offert l'occasion de conquérir les marchés de Paris, et très vite de toute la France. Lors de l'inauguration d'une ligne, d'ailleurs, Napoléon III eut l'occasion d'y goûter. Immédiatement épris de cette richesse de caractère, il lui donna le nom du village de provenance et se mit à en consommer très souvent. Une sacrée publicité pour ce petit disque normand.
Autre événement marquant : en 1890, l'ingénieur Ridel invente la fameuse boîte ronde en peuplier déroulée. Grâce à cet emballage en bois, le fromage, organisme vivant, peut respirer et il lui devient alors possible de faire des trajets plus longs et de parcourir le monde. Succès incontesté par delà nos frontières, puisque des camemberts sont depuis produits dans de nombreux pays, notamment les Etats-Unis, l'Angleterre et l'Allemagne.
Dernière révolution dans l'histoire du camembert : la découverte du penicillium candidum en 1910, qui permet à une moisissure blanche de se développer, remplaçant ainsi la moisissure bleu-gris originelle. Peu appréciée du grand public, les producteurs ôtaient celle-ci en lavant la croûte à grande eau, ou la camouflait en la recouvrant de cendres.
Si, désormais, le camembert est le symbole de la nation française, c'est depuis la guerre de 1914. Inclus dans la ration quotidienne des Poilus, il prend alors une valeur fédératrice dans le coeur des Français.